Esclavage et colonisation aux Amériques

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Découvrez le nouveau parcours en zone Amériques dédié à l'esclavage et aux colonisations : des vitrines conscrées au Candomblé du Brésil, au vodou Haïtien, à l'art tembé du Suriname et de Guyane, aux anciennes colonies françaises aux Antilles, à la "Renaissance inca" ou l'Amérique espagnole...

Introduction

Entre les 16e et 18e siècles, la France construit un vaste empire colonial aux Amériques incluant la Nouvelle-France (une large partie du Canada actuel et la Louisiane de l’époque), la Guyane et plusieurs îles des Antilles. Comme d’autres pays européens, elle participe à la traite transatlantique qui, avec plus de 12 millions de personnes déportées et réduites en esclavage, demeure l’un des plus importants mouvements de population déplacée par la force au cours de l’Histoire.

Le commerce triangulaire débute en Europe avec l’affrètement des bateaux et le transport du matériel de traite, notamment des armes, des tissus et de l’alcool. Sur la côte occidentale africaine (du Sénégal à l’Angola), ces biens sont échangés contre des hommes, des femmes et des enfants destinés à être vendus comme esclaves aux Amériques. La main d’oeuvre servile produit dans les colonies américaines des denrées exportées en Europe, comme l’or, le tabac, le sucre, l’indigo, le café ou le coton. Depuis leur déportation jusqu’à leur exploitation dans les plantations, les esclaves subissent la faim, la soif, les maladies et des violences pouvant entraîner leur mort.

Dans les territoires colonisés et dont les ressources sont exploitées via cette migration forcée se développe une société fortement hiérarchisée composée de Blancs libres, de « libres de couleur » et d’esclaves. Des sociétés plurielles surgissent de l’esclavage colonial et de la créolisation, laissant leur marque aux Amériques, après la fin de la traite et l’abolition de l’esclavage au 19e siècle.

Les vitrines "Esclavage et colonisation aux Amériques"

Vue d'ensemble des vitrines "Esclavage et colonisation aux Amériques "

Esclavage et colonisation aux Amériques

Le Candomblé du Brésil

Entre 1532 et 1850, près de la moitié des douze millions d’Africains déportés sont transportés au Brésil. Appartenant à différentes sociétés africaines, ils apportent les cultes de leurs ancêtres divinisés, de leurs dieux et esprits : autant de savoirs rituels complexes composés de danses, de gestes, de mots, de prières, de connaissances thérapeutiques et musicales. Issue de la rencontre de ces cultes et du catholicisme, et de la dissimulation des entités africaines derrière des saints chrétiens, la voie spirituelle du Candomblé est fondée sur l’expérience directe de la transcendance, grâce à la possession divine qui entraîne la métamorphose de l’initié en orixá (divinité). Chaque orixá est rattaché à un élément naturel tel que le feu, la terre, les rivières ou la mer et caractérisé par un ensemble de couleurs, et d’objets qui le représentent. Cette religion est également pratiquée sous d’autres formes dans certains des pays voisins comme l’Uruguay, le Paraguay, l’Argentine ou le Venezuela.

Candomblé

  • Brésil, Bahia
  • 20e siècle
  • [1-4] Exu dieu messager, associé aux carrefours
  • Fer
  • De tempérament malicieux, Exu est représenté sous la forme d’un diable.
  • Don Georges-Henri Rivière, 71.1955.32.1
  • Don Henri Lehmann, 71.1955.17.2.1-3
  • Mission Vilma Chiara et Niede Guidon (1970), 71.1971.30.123.1.1-3, 71.1971.30.123.2.1-3
  • [5-6] Fer de Exu
  • Fer
  • Don Georges-Henri Rivière, 71.1955.32.5, 71.1955.32.7
  • [7] Exu
  • Terre cuite peinte
  • Don Georges-Henri Rivière, 71.1955.32.16
  • [8] Oxun
  • Plâtre polychrome, bois
  • Déesse de l’eau, assimilée à Notre Dame de la Conception
  • Don Georges-Henri Rivière, 71.1955.32.17
  • [9] Saints jumeaux
  • Le culte yoruba des ibeji ou jumeaux a été transposé à Bahia sur celui de saint Cosme et saint Damien, représentés comme de jeunes garçons.
  • Don Georges-Henri Rivière, 71.1955.32.20
  • [10] Caboclo
  • Tissu, aluminium, fil de coton, plumes
  • Représente un esprit amérindien
  • [11] Yemanjá
  • Plâtre peint, coquillages, aluminium, fer, perles
  • Elle est la puissance du liquide, du mouvement, des eaux, et plus particulièrement des eaux salées.
  • Don Georges-Henri Rivière, 71.1955.32.16
  • [12-13] Haches
  • Laiton
  • Emblèmes du dieu de la lumière, Xango.
  • Don Georges-Henri Rivière
  • 71.1955.32.11, 71.1955.32.12

Détail des œuvres de la vitrine

Le vodou Haïtien

Le vodou tire ses racines de l’Afrique de l’Ouest. Dans la colonie française de Saint-Domingue (devenue indépendante en 1804 sous le nom d’Haïti), les personnes d’origine africaine mises en esclavage métissèrent leurs pratiques ancestrales avec le culte catholique institutionnel imposé par la France. Largement dissimulée dans la religion imposée par les colons et particulièrement le culte des saints, cette nouvelle forme religieuse créolisée, hétérogène et complexe a participé à la résistance contre la servitude, à la lutte pour l’indépendance et s’est enrichie, jusqu’à nos jours, d’une créativité haïtienne sans cesse renouvelée. L’essence du vodou est le culte des esprits ou lwa, souvent représentés sous l’aspect de divers saints chrétiens.

  • [ 1 ] Bannière Bawon
  • Myrlande Constant
  • Haïti, Port-au-Prince
  • 2005
  • fibres synthétiques, perles de verre et de plastique, satin
  • Œuvre contemporaine reprenant la forme et les thèmes des bannières Vaudou placées à l’entrée des temples et utilisées lors de processions. Le personnage principal est Bawon ou Baron Samedi, un Iwa auquel on s'adresse lors des difficultés de la vie et qui règne sur les cimetières. Certains hommes portent les attributs de Bawon : costume, chapeau et lunettes noires.
  • 70.2015.7.1
  • [ 2 ] Grand Brigitte
  • Gabriel Bien-Aimé
  • Haïti, Port-au-Prince
  • 1988
  • Tôle de fer découpée et rivetée.
  • Épouse de Baron Samedi, Grande-Brigitte a autorité sur tous les cimetières. Mère de tous les Gédés (Iwa de la mort) et de tous les morts, elle est aussi une brillante avocate que l'on consulte pour demander justice et réparation. Elle est représentée dans les cimetières par un tas de pierres.
  • 70.2015.7.1
  • [3] Collier d’initiation
  • Perles de verre, métal, vertèbres de couleuvres, soie, fil de coton
  • Haïti
  • 1ère moitié du XXe siècle
  • 71.1950.29.6 D
  • Porté lors du rituel l’initiation Kanzo, ce collier est un symbole du panafricanisme : ses perles variées font référence à la filiation d’origine des initiés (groupes africains bantou, kongo, etc.) et représentent l’Afrique mystique. Par son biais, l’initié accepte d’être l’héritier de ce patrimoine commun.
  • [4] Récipients rituels
  • Ritual containers
  • Hungan La Salline
  • Haïti
  • 1e moitié du 20e siècle
  • 71.1949.92.2.1-4 D
  • [5] Paquet magique
  • Magic Bundle
  • Fer, tissu
  • 71.1950.29.4 D

 

Détail des œuvres de la vitrine

L’art tembé du Suriname et de Guyane

Le terme « Marrons » (de l’espagnol cimarrón) désigne les esclaves qui ont fui les plantations. Aux 17e et 18e siècles, ceux-ci ont constitué en Amérique des communautés durables, comme par exemple dans la forêt amazonienne au Suriname. Provenant de diverses cultures africaines, les Marrons ont fondé de nouvelles sociétés, mêlant à leurs traditions originelles des éléments issus de leurs contacts avec les peuples autochtones et les oppresseurs européens. De nos jours, les Bushinenge ne constituent pas un seul peuple mais six sociétés distinctes et semblables à la fois dont plusieurs se sont installées par la suite en Guyane française, surtout le long du fleuve Maroni.
L’artiste bushinenge ou tembeman, embellit des objets utilitaires comme des plats destinés à vanner le riz, des peignes, des pagaies, des spatules, des cuillères, des bancs, des pirogues, etc. Ces objets utiles et beaux ont aussi une fonction sociale parce que, s’ils sont fabriqués pour soi, ils le sont aussi pour être offerts, en particulier à la femme aimée, ou pour renforcer des liens.

  • [ 1-3 ] Plateaux à vanner
  • Winnowing trays
  • Aluku, Ndjuka
  • Guyane française
  • 1e moitié du 20e siècle
  • Bois, cuivre

Plateaux circulaires utilisés pour vanner le riz et pour porter les repas. Ils servent aussi de supports rituels pour les offrandes de nourriture aux ancêtres.

  • [ 1 ] Mission Paul Sangnier (1938) - 71.1939.25.589
  • [ 2 ] 71.1947.14.49
  • [ 3 ] Legs Jean-Marcel Hurault - 70.2006.30.1
  • [ 4 - 14 ] Peignes et palettes-peigne
  • Aluku
  • Guyane française
  • 1e moitié du 20e siècle
  • Bois
  • Offerts en cadeau aux épouses et amantes, les peignes sont très finement sculptés de motifs
  • géométriques et figuratifs.
  • Mission Paul Sangnier (1938) - 71.1939.25.552, 71.1939.25.542
  • Don Léon-Gontran Damas - 71.1935.72.58
  • Legs Jean-Marcel Hurault – 70.2006.30.11, 70.2006.30.12, 70.2006.30.19, 70.2006.30.23
  • Don Maurice Guffroy – 71.1901.26.4
  • Don Edgar Auber de la Rüe – 71.1951.7.59
  • 71.1947.14.30, 71.1947.14.31
  • [15] Canne
  • Cane
  • Aluku
  • Guyane française, Maripasoula
  • 20e siècle
  • Bois
  • Don Claude Bernardin – 70.2014.27.8
  • [ 16 ] Tabouret
  • Bushinenge
  • Guyane française
  • 20e siècle
  • bois, clous de cuivre
  • Éléments essentiels du mobilier, les tabourets sont utilisés lors des conseils de village et à l’occasion des rites consacrés aux ancêtres, mais aussi au quotidien.
  • 71.1947.14.1
  • [ 17 - 21 ] Spatules
  • Bushinenge, Aluku
  • Guyane française
  • 1e moitié du 20e siècle
  • bois
  • Don Mr Sainte-Croix de la Roncière – 71.1932.96.6, 71.1932.96.9
  • Don Maurice Guffroy – 71.1901.26.25
  • Mission Paul Sangnier (1938) - 71.1939.25.566
  • 71.1947.14.17
  • [ 22 ] Tambour à une peau, apínti
  • Bushinenge
  • Guyane
  • 1e moitié du 20e siècle
  • bois d’acajou, peau de cervidé
  • Ce « tambour qui parle » est utilisé lors des conseils de village ou de rituels importants.
  • 71.1947.14.5
  • [23-25] Pagaies
  • Bushinenge, Aluku
  • Guyane française
  • 20e siècle
  • Bois, peinture
  • Don Claude Bernardin - 70.2014.27.5
  • Legs Jean-Marcel Hurault – 70.2006.30.50
  • Don Madame Pain – 71.1999.22.10

 

Détail des œuvres de la vitrine

Les anciennes colonies françaises aux Antilles

Les colonies françaises établies aux Antilles sont vouées à la production du tabac, du cacao, de l’indigo et du sucre, à l’instar de la colonie de Saint-Domingue dont la prospérité, fondée sur la violence et l’exploitation esclavagiste, est à son apogée dans les années 1770. L’exploitation agricole des terres colonisées par une main-d’œuvre servile fait émerger une société nouvelle, réglementée par le Code noir édicté par Colbert (1685), qui fixe le statut juridique des esclaves et les réduits à des biens pouvant être possédés par d’autres personnes. Il contient 55 articles couvrant un grand nombre de sujets dont la religion, la nourriture, l’habillement et l’interdiction de relations « interraciales ». Divisée initialement entre Noirs esclaves et Blancs libres, la société se complexifie avec les affranchissements d’esclaves et les unions entre Noirs, Blancs et Métis. En 1791, le vent d’émancipation insufflé par la Révolution française provoque à Saint-Domingue la plus importante révolte d’esclaves jamais connue aux Amériques. Après treize années de conflit armé qui entraînent des milliers de morts et l’émigration massive de presque toute la population blanche de la colonie, elle aboutit, en 1804, à l'établissement d’Haïti comme première république noire indépendante

Victor Schoelcher

Journaliste engagé et homme politique français, Victor Schoelcher (1804-1893) a consacré une large partie de sa vie à la lutte contre l’esclavage. Il est président de la Commission d’abolition de l’esclavage qui rédige le décret du 27 avril 1848 abolissant l’esclavage dans les colonies françaises. Son engagement se construit lors de plusieurs voyages aux États-Unis, dans les îles de la Caraïbe, en Égypte et au Sénégal pour documenter les pratiques esclavagistes, qui sont pour lui l’occasion de réunir des documents, des témoignages, des artefacts illustrant la violence infligée aux esclaves. Il s’intéresse aussi à la culture matérielle des populations rencontrées, collectant divers objets de la vie quotidienne.

[1] Esclaves à la Martinique

Le peintre français Le Masurier a séjourné à la Martinique dans les années 1770 à l'invitation de Maximilien Claude Joseph de Choiseul-Meuse, aide-major général à la Martinique en 1766, puis commandant de l'île en second. S’il indique avoir peint ce tableau à la Martinique, le quotidien décrit dans cette toile n’est en rien fidèle aux conditions de vie des personnes réduites en esclavage dans les plantations. Au public métropolitain de la seconde moitié du 18e siècle, l’artiste transmet une vision idyllique d’un quotidien où le délassement dans un paysage luxuriant serait la norme. L’esthétique rococo de la peinture européenne l’emporte, avec deux putti au premier plan s’amusant avec la canne à sucre.

  • Marius-Pierre Le Masurier
  • Martinique
  • 1775
  • Huile sur toile
  • 75.1558 IA

[2] Femmes martiniquaises dans un intérieur

Le Masurier représente ici des femmes « libres de couleur » se retrouvant autour d’une tasse de café. Pour renforcer l’exotisme de la scène, l’artiste ajoute un étalage de fruits poussant sous les climats tropicaux. Vêtements, coiffes, décor et la présence d’un jeune esclave noir indiquent un statut social relativement aisé. Les « libres de couleur », aux situations très diverses, représentent environ un huitième de la population des colonies françaises d’Amérique avant la Révolution.

  • Marius-Pierre Le Masurier
  • Martinique
  • 1775
  • Huile sur toile
  • 75.1557 IA

[ 3 ] Luth « Banza »

  • Haïti
  • Avant 1840
  • calebasse, peau
  • Philharmonie de Paris – E415

Ce banza, l’un des deux exemplaires complets connus au monde, fut rapporté d’Haïti en 1841. Ce luth à quatre cordes est formé d’une caisse de résonnance en gourde recouverte d’une table d’harmonie en peau. Sur le manche, un trou placé plus bas que les autres, permet d’y assujettir un bourdon, soit une corde pincée à vide avec le pouce. Probablement introduit à la Nouvelle-Orléans avec les réfugiés de la révolution haïtienne, il constitue un chaînon manquant entre la harpe africaine et le banjo américain.
 

 

 

 

Détail des œuvres de la vitrine

La Renaissance inca

Dans les Andes du Sud soumis à la Couronne espagnole, la fin du 17e siècle voit l’émergence d’un patriotisme créole, qui s’exprime par la « renaissance inca », un mouvement culturel stimulé par les élites autochtones. Pendant près d’un siècle (1680-1780), les descendants des Incas célèbrent le passé impérial révolu et idéalisé au travers de peintures, d’objets somptuaires et d’accessoires personnels qui renouvellent les pratiques ancestrales.

  • [ 1 - 6 ] Série de portraits de souverains incas

Les généalogies des souverains incas sont issues de représentations du début de l’ère coloniale au Pérou. La première série commandée par le vice-roi du Pérou en 1751 figurait les rois incas suivis des portraits des vice-rois espagnols, dans un but précis : prouver que la domination inca en Amérique du Sud est illégitime. Les souverains incas y étaient présentés comme ayant pris le pouvoir par la ruse et la violence, et le dernier monarque Huáscar serait mort sans laisser d’héritier, ses descendants ayant été tués par l’usurpateur Atahualpa. Dès lors, les Espagnols pouvaient légitimement occuper le trône « vacant » du Pérou.
Commandée par la noblesse autochtone au début de la période républicaine, cette généalogie ne présente que les souverains incas ; elle servait à renforcer le statut de son propriétaire en le plaçant dans la lignée des familles royales.

  • [ 1 ] Lloque Yupanqui, Inca III
  • [ 2 ] Pachacutec, Inca IX
  • [ 3 ] Yupanqui, Inca X
  • [ 4 ] Tupac Yupanqui, Inca XI
  • [ 5 ] Huayna Capac, Inca XII
  • [ 6 ] Huascar, Inca XIII
  • [ 7 - 11 ] Gobelets cérémoniels, kero

Les keros incas étaient employés dans le cadre de rituels libatoires. À la période coloniale, ils sont le support d’une iconographie qui cherche à mettre en scène la gloire d’un Empire inca mythique, au travers de l’image du Sapa Inca (roi), de la Coya (reine), de ses sujets (le chunchu ou sauvage civilisé par l’Inca) et de divers symboles de l’autorité inca (le félin).

  • Culture inca-coloniale Pérou
  • Andes du sud
  • 18e siècle
  • bois, incrustations de résines de couleur, argent
  • [ 7 ] 71.1946.7.198 D
  • [ 8 ] Don M. Legrand – 71.1887.127.1
  • [ 9 ] Don Marie-Hélène Reichlen – 70.2022.51.1.1-2
  • [ 10 ] Don M. Mangin – 71.1933.128.1
  • [ 11 ] 71.1946.7.200 D

 

Détail des œuvres de la vitrine

L’Amérique espagnole

Au moment de la conquête de l’Empire aztèque en 1521, l’esclavage est légalement établi en Espagne et, de ce fait, le statut d’esclave passe en Amérique sans grande modification. Il concerne surtout les Africains et leurs descendants car les autochtones, reconnus sujets de la Couronne, voient leur esclavage interdit en 1542. La condition servile de ces derniers est alors transformée en une sorte de servitude pour dettes, qui les soumet au travail forcé. Dans la Vice-royauté de la Nouvelle-Espagne la société coloniale se fonde sur un racisme basé sur l’hérédité de sang, de couleur et religieuse. Les Espagnols, les autochtones et leurs descendants, ont les qualités requises « pour la pureté de sang », et sont susceptibles d’accéder aux formations intellectuelles, aux métiers non manuels, aux postes royaux ou du clergé. En revanche, les personnes africaines réduites en esclavage et leurs descendants sont soumis à de nombreux interdits qui les privent de participer pleinement à la vie sociale et politique.

Ignacio de Castro
Tableaux de « caste » ou de métissage
Partant des populations présentes au début de la colonie – amérindiennes, africaines et espagnoles –, les artistes représentent le métissage mexicain à travers des couples d’origines variées ayant un enfant qui apparait dans le tableau suivant. Derrière l’esthétisme de ces oeuvres se cache un message racial, une volonté de contrôle social et économique qui s’expriment par des appellations issues du monde animal et par l’attribution d’un métier à chaque « caste ».

 

  • Mexique
  • 18e siècle
  • peinture sur cuivre
  • 71.1971.97.1 à 71.1971.97.10

[ 1 ] « 5. D’un Espagnol et d’une Mulâtresse naît le Morisco »
[ 2 ] « 8. D’un Indien et d’une Négresse naît le Lobo »
[ 3 ] « 9. D’un Lobo et d’une Négresse naît le Chino »
[ 4 ] « 10. D’un Chino et d’une Indienne naît le Cambujo »
[ 5 ] « 11. D’un Cambujo et d’une Indienne naît le Tente en el aire »
[ 6 ] « 12. D’un Tente en el aire et d’une Mulâtresse naît l’Albarazado »
[ 7 ] « 13. D’un Albarazado et d’une Indienne naît le Barzino »
[ 8 ] « 14. D’un Barzino et d’une Indienne naît le Campamulato »
[ 9 ] « 15. D’un Indien et d’une Métisse naît le Coyote »
[ 10 ] « 16. Indiens Mecos, appelés Apaches »

Détail des œuvres de la vitrine

une société métissée

Les Espagnols qui découvrirent la capitale aztèque de Tenochtitlan en 1519 furent émerveillés par ses canaux, son architecture, ses objets en or et en plumes. La ville et ses richesses furent cependant détruites pour construire la nouvelle capitale Mexico, et éradiquer les cultes locaux jugés païens. Les missionnaires espagnols vont mettre le savoir-faire des maîtres plumassiers aztèques au service de l’évangélisation catholique, en commandant la réalisation de mitres, de devants d’autel, de couvercles de calice et de tableaux religieux réalisés en mosaïques de plumes. Ces créations connaissent un engouement croissant en Europe au 16e puis au 17e siècle : elles sont envoyées en Espagne et en Italie et rejoignent progressivement les cabinets de curiosité européens.

  • [1] Scènes de la vie de Saint-Jean Baptiste
  • Anonyme
  • Mexique
  • Deuxième moitié du 16e siècle
  • Mosaïque de plumes sur bois
  • 70.2019.35.1

Tableau ayant probablement appartenu à l’Empereur Rodolphe II (1552-1612)
Ce tableau de dévotion a été réalisé au Mexique par un amanteca, un artiste plumassier aztèque, qui a travaillé à l’aide d’un modèle établi à partir de gravures, à l’instar des cartons employées en tapisserie. Dans la partie gauche, Saint-Jean Baptiste devant ses disciples désigne le Christ et révèle son rôle de victime sacrificielle, destinée à expier les péchés du monde. Dans la partie droite est représentée une Théophanie, une manifestation de la Sainte Trinité. Sous l’arbre central est figurée la Jérusalem terrestre, avec, en partie supérieure, sa contrepartie céleste.

  • [2] Saint Luc et la Vierge
  • Anonyme
  • Mexique
  • 18e siècle
  • Mosaïque de plumes sur bois
  • 71.1885.84.7

Don Victor Schoelcher (tableau probablement acquis au Mexique en 1829).

  • [3] Socle
  • Base
  • Mexique
  • Culture aztèque et réutilisation espagnole
  • 15e-17e siècle
  • Roche volcanique
  • 71.1878.1.113 Am

Détourné de sa fonction initiale, mais pas de son caractère sacré, cet objet de pierre posé aurait premièrement servi de socle à une déité aztèque. Après la conquête espagnole, il a été creusé et percé en son centre pour possiblement servir de bénitier. Le détournement d’objets symboliquement importants à des usages religieux constituait une façon d’imposer la suprématie de la religion européenne sur les cultes « païens » autochtones. Le décor d’origine figure quatre glyphes : le coquillage symbolisait la lune, la fleur - le soleil, le papillon - le soleil et le feu, et le glyphe íhuitl - le jour, la fête et l’orbite solaire.

Détail des œuvres de la vitrine