Marjorie et Jeffrey A. Rosen

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Esthètes et collectionneurs, Marjorie et Jeffrey A. Rosen sont les premiers donateurs américains du musée du quai Branly - Jacques Chirac.

Don d'une canne de fécondité

Cette canne a été offerte au musée du quai Branly - Jacques Chirac en 2004 par un généreux couple d’américains en l’honneur de Martine Aublet, alors Directeur, Conseiller du Président pour le mécénat, et de Bruno Roger.

Le directeur du projet muséologique du musée du quai Branly - Jacques Chirac, Germain Viatte orienta le choix du don vers cet objet exceptionnel, sans en informer Martine et Bruno Roger. La discrétion de ce don en a accentué la générosité.

Cette élégante canne de 119 cm, en provenance de la tribu de Zaramo (Tanzanie), date vraisemblablement de 1925. Il est fort probable que cette statuette ait été confectionnée dans l’école de Maneromango créée par la mission luthérienne allemande à la fin du XIXe siècle.

Cet objet pouvait avoir plusieurs fonctions. Les bâtons les plus figuratifs et ouvragés étaient utilisés dans le cadre de cérémonies et pouvaient matérialiser l’autorité d’un chef ou d’un devin. Ils portaient alors, chez les Zaramo, le nom d' « arbre de guérison ». L’objet pouvait aussi être planté dans le sol, sacralisant ainsi un espace.

 

Description de la canne de fécondité par Manuel Valentin

dans Musée du quai Branly - La Collection (Skira Flammarion, 2009).

« Sur le plan formel, l’œuvre combine deux éléments bien distincts : un modèle de canne à pommeau sphérique, et une statuette en ronde-bosse qui occupe plus du tiers de la longueur totale de la pièce. La prise en main devait se faire sous la base du personnage, ce qui suggérait plutôt une utilisation cérémonielle ou de parade, qu’une fonction de canne en tant que telle. […]

La figure féminine arbore des volumes marqués par la géométrisation contenue du tronc longiligne et du cou, simple cylindre sur lequel repose la tête ovoïde. Les épaules, les coudes, les genoux et les poignets, tous plus ou moins fléchis, confèrent un aspect anguleux à la statuette. Le visage se caractérise par un front lisse et bombé et une face traitée dans une partie doucement creusée. Les yeux sont deux perles blanches incrustées, le nez est droit et mince tandis que la bouche, bien que minuscule, est valorisée par sa position proéminente. La coiffure est matérialisée par de fines incisions parallèles qui suggèrent des tresses aplaties, tirées et rassemblées à l’arrière pour retomber en un rectangle à la base du cou. Sans doute, l’impression d’une facture assez froide et mécanique l’emporterait si le sculpteur n’avait procédé à une petite asymétrie au niveau de la poitrine. Le sein gauche est en effet légèrement plus relevé que celui de droite, comme pour faire écho au décalage des mains posées sur le ventre. Ce détail, associé au mouvement avancé de la bouche, permet d’estomper la rigidité générale de la statuette et lui insuffle une certaine expressivité. […]

La coiffure, le nombril en relief et la poitrine encore peu développée désignent la jeune fille pubère initiée. Les mains posées sur le ventre, geste d’espérance ou d’attente d’un enfant, complètent la représentation. A l’issue de son initiation, la jeune fille est amenée à se marier et à accomplir son rôle de génitrice. Les Zaramos et les populations voisines privilégient la descendance du côté féminin et partagent une même approche rituelle et symbolique de la féminité. »